Le porc criminel au Moyen Âge

Le porc a mauvaise réputation durant l’époque médiévale pourtant, il occupe une place très importante dans l’alimentation. Les paysans l’apprécient, car il mange de tout et se nourrit facilement. On consomme sa viande davantage que celle des bovins utilisés pour labourer les champs. Un tabou existe malgré tout autour de l’ingestion de sa chair, car c’est un gros mangeur. Il se délecte de charognes et d’excréments. Cela construit, en partie, sa mauvaise image. Également connu pour sa maladresse, il provoque des accidents. Le porc criminel au Moyen Âge est jugé et condamné au même titre qu’un homme. On vous explique pourquoi et comment.


Le porc dans les villes et les campagnes à l’époque médiévale

On sait que les cochons tiennent le rôle d’éboueurs dans les bourgades insalubres du Moyen Âge où ils circulent librement jusqu’au 12e siècle. Mais leur goinfrerie et leur gaucherie causent de nombreux dégâts dans les villes et les campagnes. En effet, ces animaux voraces répandent les ordures qu’ils n’ont pas consommées et provoquent des accidents dus à leur mauvaise vue. Parfois, ils occasionnent même des infanticides. Ils dévorent à l’occasion des nourrissons qu’ils ont piétinés. En 1131, un goret vagabond percute le cheval du prince Philippe, fils aîné du roi de France Louis VI le Gros, héritier du trône. Celui-ci meurt à l’âge de 15 ans de ses blessures. Un porc s’attaque au royaume de France, quelle infamie !

À la suite de ces évènements, à partir du 12e siècle, on limite ou l’on interdit l’errance des porcs dans les bourgs à travers l’Europe pour prévenir ce genre de drame. D’autres incidents fâcheux ont lieu dans les cimetières à cause des cochons divagants. Des suidés saccagent les tombes et déterrent des cadavres. Par conséquent, au début du 13e siècle (vers 1205 – 1210), sur ordre de Philippe Auguste, on construit un mur suffisamment haut autour du cimetière des Innocents à Paris pour éviter ces désagréments.

Dans les campagnes, beaucoup de paysans se plaignent des dommages provoqués par les cochons en libre circulation. En effet, ces animaux cherchent les faines ou des glands dans les forêts et dégradent le sol et les cultures. Nombreux dans les villages, ils entraînent aussi des accidents mortels : infanticides à Falaise, Fontenay-aux-Roses, etc. Tous ces crimes ne restent pas sans conséquence.

Les procès de porcs criminels au Moyen Âge

Au Moyen Âge, on considère les animaux comme des êtres doués de raison et conscients de leurs actes. On trouve des traces écrites de leurs procès devant de vrais tribunaux dès le 13e siècle et jusqu’au 17e siècle. On les punit parfois de la peine de mort. De 1266 à 1586, sur une soixantaine de procédures documentées, 90 % concernent des porcs. Pourquoi ? Car à l’époque médiévale, les cochons sont omniprésents. On les juge très proches de l’homme en raison de leur intelligence. Les théologiens les tiennent comme pleinement responsables de leurs actes.

Par conséquent, si l’animal commet un crime, on le capture puis on le place en détention, le temps d’instruire son dossier (son propriétaire n’est jamais mis en cause). Un avocat le défend et le juge prononce la sentence (le grognement du porc fait alors office d’aveu). En cas de culpabilité, le cochon est souvent condamné à mort et amené à la potence ou sur le bûcher, s’il a provoqué un infanticide par exemple.

Le célèbre procès de la truie de Falaise s’ouvre en 1386. La laie a renversé puis dévoré un nourrisson, c’est un infanticide. Jugée coupable, la bête qu’on habille comme un humain avant son exécution est mutilée, traînée dans la ville au regard de tous puis pendue par les pieds et enfin brûlée vive. Pour donner l’exemple, on contraint les porcelets à assister à l’exécution afin de les dissuader de commettre des crimes à leur tour. Ces procès paraissent extravagants à l’époque actuelle, mais témoignent de la grande proximité de l’homme avec les bêtes durant le Moyen Âge et du lien étroit qui les unit alors.

À la fin du Moyen Âge, on associe le cochon à la luxure à la place du chien. « Cochon » et autre « cochonnerie » deviennent synonymes de concupiscence et de malpropreté. Le porc, trop proche de l’homme, est considéré comme le plus intelligent du règne animal. Le singe le détrône pourtant au 17e siècle. Plus tard, vers 1900, dans le monde occidental, on considère le porc comme un porte-bonheur et on le relie alors à la bonne fortune. On trouve partout des tirelires ou des porte-clés à son effigie.

Aujourd’hui, les cochons concentrés dans des élevages intensifs ne font plus partie de notre paysage quotidien, mais ils suscitent toujours bien des débats passionnés.

Sources :

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-monde-vivant/accuse-porc-levez-vous-5655382
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/personnages-en-personne/le-cochon-ou-l-ordure-est-dans-le-langage-1275851