Les toilettes des seigneurs et des manants
Aller au petit coin ne date pas d’hier. On découvre les premières traces de conduites servant d’évacuation aux eaux usées hors des villes dans la vallée de l’Indus, actuel Pakistan. Par la suite, durant l’antiquité romaine, on utilise déjà des toilettes, appelées latrines, pour éliminer les excréments. Ces lieux d’aisance reliés aux égouts se trouvent dans certaines cités urbaines. Plus tard, au Moyen Âge, on dispose de sanitaires dans les milieux favorisés et dans les châteaux, mais la majorité de la population moyenâgeuse n’en bénéficie pas. Alors, comment fait-on ses besoins et comment sont les toilettes des seigneurs et des manants ? On vous dit tout.

Les sanitaires des plus modestes à l’époque médiévale
Dans les villes du Moyen Âge, les piétons glissent de temps à autre dans les rigoles et il arrive que certains et certaines se brisent le crâne. Tenir le haut du pavé devient alors une question de survie. L’insalubrité et la pestilence règnent dans les rues et le manque d’hygiène met en péril la population. Déjections et déchets en tout genre jonchent les chaussées. Pour faire leurs besoins naturels, les personnes recourent dans la majorité des cas à des pots de chambre en terre dont elles vident le contenu à même la rue ou par les fenêtres.
Chez les plus chanceux, les greniers des logements disposent de latrines. Elles se situent entre deux maisons et jouissent d’une utilisation commune. Ces lieux d’aisance surplombent des passages inaccessibles à usage de vide sanitaire ou des fosses ouvertes à l’air libre. Il existe également des toilettes publiques ou « retraits », proches des voies d’eau. On les trouve sur les ponts ou les enceintes et chacun ou chacune peut s’y soulager.
Toutefois, après l’épidémie de peste noire du XIVe siècle, la salubrité devient une préoccupation majeure : on juge sacrilège de s’épancher contre un mur, celui qui agit de la sorte est frappé de malédiction. Dans les campagnes moyenâgeuses, on se soulage dans la nature, dans les jardins ou dans les étables. On n’y trouve donc pas de toilettes à proprement parler. On utilise un « bâton merdeux » puis du foin, les feuilles des plantes ou des arbustes, de la mousse ou de la terre. Le tissu des chemises, très couramment employé, sert de papier hygiénique.
Les toilettes au Moyen Âge : le privilège des seigneurs
Au Moyen Âge, les commodités reflètent aussi la hiérarchie sociale. Dans les agglomérations, depuis le XIIe siècle, certains corps de métier comme les riches marchands drapiers possèdent des résidences équipées de latrines. À partir du XVe siècle, dans certains foyers fortunés, on peut même en trouver à tous les étages.
Les châteaux médiévaux, quant à eux, disposent de plusieurs latrines. Les unes à destination des seigneurs et les autres à destination des serviteurs et des gens de maison. Construites en pierre, elles se composent d’une aération et d’un tuyau d’évacuation. Parfois, on réserve une tour ou une bâtisse indépendante à usage de petit coin. On déverse les eaux usées directement dans des fosses prévues à cet effet. Les châteaux forts et les monastères sont donc en avance en matière de lieux d’aisance. Par exemple, les couvents des Frères mendiants possèdent des dispositifs d’épuration qui fonctionnent en continu.
Concernant l’hygiène des fesses, au XVIe siècle, dans les châteaux, les gens utilisent un tissu appelé étoupe pour essuyer leur postérieur délicat. D’autres recourent même à des matières très douces et onéreuses comme le velours ou le satin. Le papier, rare et coûteux à cette période, n’est pas employé dans les latrines à quelques exceptions près. Mais, des lettres déjà lues servent parfois de papier hygiénique.
Les égouts tels que nous les connaissons aujourd’hui n’apparaissent qu’au XIXe siècle dans les villes, en particulier à Paris. Le baron Haussmann et l’ingénieur Belgrand permettent d’assainir les rues de la capitale à partir de 1854, en créant un réseau d’égouts. On compte 500 km de canalisation sous les boulevards en 1870. La chasse d’eau moderne date de 1596 et permet de sauver un milliard de vies. Quant au papier toilette, utilisé depuis seulement une centaine d’années, il est produit industriellement par un Américain du nom de John Gayetty dès 1857. Plus tard, les frères Scott mettent au point le rouleau.
Sources :
https://www.rtl.fr/culture/culture-generale/toilettes-qui-est-john-harrington-l-inventeur-de-la-chasse-d-eau
https://www.slate.fr/societe/lexplication/papier-toilette-invention-hygiene-freres-scott
https://passerelles.essentiels.bnf.fr/fr/metier
https://www.bnf.fr/sites/default/files/2019-05/BnF-Bibliographie_Eaux_usees.pdf
https://www.francebleu.fr/emissions/n-arrete-pas-l-histoire/les-egouts-sources-de-richesses-a-l-avenir
Jean Pierre Leguay : La rue au Moyen Âge (1984 – édition Ouest-France université)